Édito : L’art de danser au rythme des circonstances
14 août 2024Il est des hommes qui ont une faculté admirable à ajuster leur discours en fonction du vent. Leurs mots, d’une souplesse élastique, semblent capables de s’étirer, se contracter, voire se contredire avec une telle aisance que l’on en viendrait presque à applaudir tant de dextérité. L’un d’entre eux, autrefois fervent critique des colonels au pouvoir, a su démontrer que le langage, lorsqu’il est bien maîtrisé, peut se plier aux exigences de l’opportunisme.
Cet homme, qui autrefois tonnait contre les injustices et la mauvaise gouvernance, est soudain devenu un fervent admirateur des mêmes dirigeants qu’il vilipendait. Étonnant retournement de veste ! On se souvient encore de ses diatribes, de ses dénonciations courageuses contre les colonels qu’il accusait de tous les maux. Mais, comme par enchantement, ces paroles se sont évaporées, laissant place à des louanges. Serait-ce un nouveau talent de prestidigitateur ? Ou peut-être une soudaine révélation spirituelle ? Non, il semble que c’est simplement une question de survie politique.
Il faut reconnaître un certain génie dans cette transformation. Passer de la critique acerbe à l’admiration béate demande un talent certain. Que dis-je, un talent ? C’est un art. L’art de manier la langue pour dire tout et son contraire, de se réinventer en fonction des opportunités. Les convictions, semble-t-il, ne sont qu’un accessoire que l’on peut ranger au placard lorsque le costume du pouvoir exige un autre style.
On pourrait presque en rire si ce n’était tragique. Car derrière ce jeu de masques se cache une réalité bien plus sombre : celle d’un homme qui, au lieu de défendre des principes, préfère suivre le courant. Aujourd’hui, il glorifie ceux qu’il vilipendait hier, dans une valse des mots qui laisse perplexe. Si seulement ses paroles changeantes avaient un impact aussi flexible sur la réalité des Maliens, peut-être que les routes seraient en meilleur état, que les promesses seraient tenues, et que les usines fermées renaîtraient. Et pendant que notre maître du retournement de veste continue de jongler avec ses mots, le pays, lui, attend toujours les actes. Peut-être qu’un jour, il réalisera que la constance dans les principes vaut mieux que l’habileté à changer de discours. Mais d’ici là, il semble bien décidé à danser au rythme des circonstances, laissant les Maliens spectateurs de ce triste spectacle.
A.D