RETROSPECTIVE 2019 : Les grands titres d’une année particulièrement sombre au Mali

RETROSPECTIVE 2019 : Les grands titres d’une année particulièrement sombre au Mali

31 décembre 2019 0 By 223 Infos

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2019 a été l’une des années les plus difficiles de la dernière décennie au Mali. L’année a été marquée par une crise multiforme qui, malheureusement et en dépit de tout, semble ouvrir la voie à des horizons encore plus sombres pour 2020. Ces événements, les uns aussi graves que les autres, ont fait l’objet de grands titres sur divers médias nationaux et internationaux tout au long de l’année 2019.

Attaques terroristes, conflits ethniques, catastrophes naturelles dues au changement climatique, tensions politiques et grognes sociales, sont les principaux évènements qui ont émaillé 2019 au Mali. Malgré les efforts consentis par les autorités gouvernementales et les partenaires internationaux pour venir à bout de cette crise multidimensionnelle qui mine gravement la stabilité du pays avec, à l’appui, des conséquences désastreuses sur l’environnement économique, beaucoup restent encore à faire pour redonner de l’espoir aux Maliens et entamer la nouvelle année avec plus d’optimisme.

Parmi les évènements qui ont assombri 2019 au Mali, ceux liés aux attaques terroristes et interethniques sont les plus nombreuses et les plus meurtriers avec, au moins, 400 soldats gouvernementaux et étrangers tués lors de différents assauts islamistes et plusieurs centaines de civils ayant péri dans diverses attaques intercommunautaires, surtout, au Centre du pays.

Comparativement à 2018, les attaques en 2019 au Mali, ont été remarquablement meurtrières. Cela pourrait s’expliquer, notamment, par une plus forte mobilité des groupes islamistes et milices tribales dans le pays ainsi qu’une plus grande et complexe évolution de leurs tactiques et stratégies. Les cellules jihadistes et factions interethniques se créent et se fragmentent continuellement, échappant très souvent au contrôle des troupes régulières et antiterroristes.

Mort supposée de Koufa et le retour du bâton

Cependant, 2019 a été marqué la mort de nombreux chefs jihadistes au Mali, en particulier, l’Algérien Yahia Abu El Hamame, en février, et al Maghrebi alias Ali Maychou, en octobre. Ils étaient parmi les chefs islamistes les plus recherchés dans Sahel où leur mort a porté un coup sévère au dynamisme et à l’effectivité opérationnelle des groupes jihadistes.

Un autre fait majeur de 2019 au Mali, se rapporte à la supposée mort d’un autre chef djihadiste malien, Amadou Koufa, ainsi que sa soudaine réapparition quelques mois après. Annoncé pour mort, le 22 novembre 2018, par les armées française et malienne suite à une offensive anti-terroriste conjointe, Amadou Koufa, prêcheur radical peulh et le plus influent chef islamiste des régions du Centre, est brusquement réapparu dans une vidéo, le 28 février.

Dans la vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux et prise au sérieux par les experts, Koufa annonçait qu’il était bel et bien vivant et avait promis « l’enfer» aux forces armées maliennes et étrangères.

Chronologie des faits essentiels en 2019

Le 1er janvier 2019, les maliens ont franchi leur premier pas dans la nouvelle année avec une tuerie massive suite à une attaque interethnique dans la région de Mopti, dans le village de Koulongon, où environ 40 éleveurs peulhs ont été tuées. L’attaque meurtrière est survenue 3 mois après l’investiture du Président réélu, Ibrahim Boubacar Kéita, en Septembre 2018. Un communiqué du gouvernement a attribué l’attaque sanglante à une armée de chasseurs traditionnels appartenant à la milice d’autodéfense « Dan Ambassagou ».

Le 20 janvier, un camp des casques bleus tchadiens, a été la cible d’une attaque djihadiste dans la localité d’Aguelhok, tuant 11 soldats. C’était, jusque-là, la plus lourde perte subie par une mission des Nations Unies dans le monde, selon Antonio Guterres, Secrétaire Général des Nations Unies. Le 21 Janvier, l’attaque terroriste a été revendiquée par AQMI, en réponse à la visite du PM israélien, Benyamin Netanyahou, à N’Djamena, le jour même de l’attaque.

A partir du 4 février, le Mali a connu une longue crise éducative d’environ 4 mois et qui découla d’un mouvement de grève illimitée lancé par les syndicats des enseignants pour des « engagements non-tenus par le Gouvernement » face à leurs doléances sociales et statutaires. Le mouvement de protestation a paralysé le secteur de l’éducation jusqu’au mois de mai, lorsque les autorités de l’Etat se sont finalement vues contraintes de signer un Accord avec les syndicalistes suite à la révolte générale des parents d’élèves face à l’impasse académique.

Le 1er mars, la Forces Conjointe du G5 Sahel a subi sa plus grosse perte depuis sa création en 2014, lorsqu’un de ses véhicules de patrouille a été la cible d’une explosion de bombe artisanale dans la région de Mopti. 9 soldats avaient péri avec une dizaine de blessés. L’attaque a été revendiquée par le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM), une alliance jihadiste particulièrement brutale dirigée par le malien, Iyad Ag Ghali.

Le 17 mars, une base de l’armée malienne située dans la localité de Dioura, à Mopti, a été attaquée par des islamistes lourdement armés. Une quarantaine de soldats ont trouvé la mort avec des dizaines d’autres portés disparus. L’assaut a été revendiqué par le GSIM.

Cette attaque qui a provoqué une vive révolte populaire contre les plus hautes autorités maliennes, a donné lieu à une gigantesque manifestation par les familles de soldats. Le lendemain, des centaines de femmes et enfants en colère, ont pris d’assaut les rues dans le Centre du pays pour exprimer leur mécontentement face à la gestion politique et sécuritaire et exiger de « meilleurs moyens opérationnels » pour les forces armées maliennes. Cela a instamment conduit au limogeage, par le Président IBK, de plusieurs officiers supérieurs de l’armée, y compris le Chef d’État-major des Armées.

Massacre inédit de 160 civils peulhs dans le village d’Ogossagou

Le 23 mars 2019, la milice dogon, Dan Ambassagou, a réussi a contourné toutes les tactiques des forces armées maliennes pour commettre une attaque encore plus meurtrière que celle survenue à l’aube de l’année. L’incident a eu lieu dans le village d’Ogossagou, dans la région de Mopti où environ 160 musulmans peulhs ont été massacrés avec des centaines d’autres déplacés. Un rapport d’enquête de la mission onusienne au Mali, publié quelques mois plus tard, a confirmé que des hommes en tenue de chasseurs traditionnels, ont fait irruption à Ogossagou et ont systématiquement massacré la partie peule du village où femmes, enfants et personnes âgées étaient les plus grandes victimes.

Vu le caractère inédit de la tuerie, le gouvernement malien, dans un communiqué de presse, a diligemment procédé à la dissolution de la milice ethnique « Dan Ambassagou », le 24 mars, suite à un Conseil extraordinaire, tout en exigeant le désarmement sans condition de toutes les autres milices ethniques à travers le Mali. « A partir de maintenant, seul l’Etat aura le monopole de la protection de la population », avait dit le PM, Souméilou Boubeye Maïga.

Le 19 avril, Souméilou Boubeye Maïga, a été la cible d’une démission forcée suite à une vaste manifestation de la société civile et une motion de censure des députés contre sa « mauvaise gestion » de la situation politique, sécuritaire et sociale. Il a été remplacé par son Ministre de l’Economie et des Finances, Dr Boubou Cissé, qui a été nommé suite à une large concertation du Président IBK avec les forces vives de la nation.

Le 1er mai, un gouvernement d’union nationale de 38 membres dont 9 femmes, a été formé. Le cabinet a été assigné l’immense mission de remédier urgemment à la crise politique et sécuritaire et apaiser les tensions sociales qui tenaient, jusque-là, le pays en ébullition.

Le 16 Mai, après que des pluies torrentielles se soient abattues sur la ville de Bamako, une forte inondation a causé la mort d’une vingtaine de personnes, avec d’inestimables pertes matérielles. Le Président IBK, vu l’ampleur des dégâts causés, a ouvertement accusé les Maires de Bamako pour avoir permis aux populations de construire des maisons jusque dans le lit du Fleuve Niger, mettant « inutilement » des milliers de vies en danger.

Mais le désastre naturel ne s’est pas limité à cela. Juste deux jours après, le 18 mai, une forte mortalité s’est emparée des espèces halieutiques du Fleuve Niger, où des centaines de milliers de poissons ont été retrouvés morts dans les eaux et au bord du fleuve. Selon le Ministère malien de l’Environnement, cette hécatombe est due à un empoissonnement massif des poissons par les déchets toxiques qui ont été emportés et déversés dans le fleuve par les eaux de la pluie diluvienne. Tout le long du mois, il a été formellement interdit à la population riveraine de consommer les poissons du fleuve pour éviter un problème de santé publique.

Le 10 juin, en guise de représailles à la tuerie barbare des 160 musulmans peulhs, une milice proche d’Amadou Koufa, prêcheur islamiste radical peulh et chef jihadiste au Centre du Mali, a massacré des civils dogons. Lesdites représailles sont survenues dans le village de Sobaneda à Mopti, où environ 100 civils dogons ont été brutalement assassinés par la milice armée qui a complètement détruit et pillé le village avant de s’évaporer dans la nature.

Emprisonnement de Bakary Togola et Adama Sangaré

Entre septembre et octobre, l’incarcération de deux soutiens politiques et financiers majeurs du régime IBK, Bakary Togola et Adama Sangaré, respectivement président de l’APCAM et Maire de Bamako, a donné le ton à une campagne gouvernementale inédite contre la corruption et la délinquance financière au Mali. Les deux figures publiques influentes ont été arrêtées pour une série de détournements de ressources publiques et des cas graves d’illégalités foncières.

Leur emprisonnement a ouvert la voie à l’arrestation de plus d’une centaine d’autres officiels maliens dont plusieurs étaient des ex-collaborateurs du Président Kéita.

Entre-les 30 septembre et 1er octobre, deux bases de l’armée malienne ont été fatalement attaquées par des jihadistes armés dans les localités de Mondoro et Boulkessy à Mopti, où au moins 80 soldats ont été tués. Le lendemain, les femmes des soldats en colère ont bloqué l’entrée de certaines bases militaires de la région pour empêcher le gouvernement d’envoyer d’autres soldats en renfort pour sécuriser les camps ciblés, estimant que ces derniers pourraient être de nouvelles victimes.

La double attaque fut jusque-là la plus meurtrière contre l’armée malienne depuis le mois de janvier et a conduit le gouvernement à décréter trois jours de deuil national. Quatre jours après, l’assaut terroriste a été revendiqué par Iyad Ag Ghaly, un des chefs islamistes les plus recherchés au Sahel.

Juste un mois après, le 1er novembre, une autre attaque coûtant la vie à 59 soldats maliens, a été perpétrée par des islamistes armés contre une base loyaliste à Indelimane, dans la région de Kidal. Une quantité conséquente de matériel militaire a été emportée avec le camp entièrement détruit par les jihadistes. L’assaut a été revendiqué par l’Etat Islamique au Grand Sahara (EIGS), un autre groupe terroriste bien organisé et particulièrement meurtrier dans l’espace du G5 du Sahel.

Expulsion du diplomate français, Christophe Sivillon, du territoire malien

Le 2 décembre, 13 forces antiterroristes de l’Opération Barkhane, ont péri dans le nord du Mali suite à une « collision d’hélicoptères », selon le Président Français, Emmanuel Macron. C’est la plus grosse perte de soldats français dans un incident sécuritaire depuis près de 4 décennies. La colère soulevée au sein de l’opinion publique française par cette tragédie, a contraint Macron à convoquer les cinq Chef d’Etat des pays du G5 Sahel pour qu’ils aillent clarifier leur position, en début de 2020, dans la ville garnison de Pau (France), face au possible maintien des forces françaises au Sahel.

Le 10 décembre, Christophe Sivillon, Représentant de l’ONU à Kidal et citoyen français, a été déclaré persona non grata sur le sol malien et expulsé par le gouvernement suite à des propos séparatistes et anti-souverainistes tenus contre l’Etat du Mali. Depuis octobre 2017, c’est le troisième citoyen français expulsé du Mali pour presque les mêmes motifs.

Dialogue National Inclusif et boycott de l’Opposition

Le 14 décembre, s’est tenu la cérémonie d’ouverture officielle du Dialogue National Inclusif initié (DNI), depuis plusieurs mois, par le Gouvernement. Les rideaux desdites assises nationales, se sont refermés, le 22 décembre avec, à la clé, 4 Grandes Résolutions dont la révision constitutionnelle, le désarmement intégral de tous les groupes séparatistes et d’autodéfense et l’entrée en discussions avec les chefs jihadistes maliens, Koufa et Ag Ghali.

Cependant, les forces de l’opposition, quelques jours avant l’événement, ont catégoriquement refusé de participer au DNI, arguant que leurs préoccupations politiques n’ont pas été prises en compte par le Gouvernement. Ce refus intransigeant des forces de l’opposition qui se disent « profondément insatisfaites », augure de nouveaux troubles politiques en 2020.

De janvier à décembre 2019, les différents troubles qui ont frappé le Mali sont le reflet d’un malaise profond dont souffre la gouvernance politique et sociale du pays, affirment les observateurs. Malgré tous les sacrifices jusqu’ici consentis par l’Etat dans sa tentative d’amortir diverses agitations liées aux fronts politique, sécuritaire et social, la situation du Mali reste toujours incertaine avec des horizons fortement assombris.

De nombreux analystes restent unanimes sur le fait que la plupart des problèmes posés au régime IBK, ont été, soit négligés ou mal résolus et dont les rebondissements ont souvent été suicidaires pour l’Etat. Ces incertitudes ouvrent la voie à 2020 avec beaucoup moins d’espoirs, notamment, en raison du fait que de nombreuses promesses électorales soient encore loin d’être accomplies avec de nouveaux préavis de grève en perspective, aussi bien que l’essor croissant des groupes terroristes et autres organisations criminelles dans le pays.

223infos.net avec La Sirène