FORSAT CIVILE, AN BI KO, A MON MALI : Ces mouvements sortis de nulle part…
16 avril 2023Sud Hebdo, ouvre un dossier délicat, celui des nouvelles têtes d’affiche qui écument les réseaux sociaux, les grins et salons voire les antennes des radios et des télévisions jusque dans les colonnes de certains journaux sans se poser la question de la pertinence et de l’importance à leur accorder.
Des associations et mouvements dits politiques et citoyennes, à des partis politiques naissant ou existant mais sans envergure à part la jactance qu’elles ont, ces nouvelles têtes d’affiche posent un véritable problème de société : seront-elles les remplaçants des politiciens qu’on a jetés à la vindicte populaire de l’opinion nationale. Faut-il s’inquiéter de la marche du Mali avec cette nouvelle génération d’acteurs hybrides à mi-cheval entre la politique et la société civile ? Nous ouvrons le débat avec une partie consacrée à ces mouvements sortis de nulle part.
En mars 2021, le ministère de la Refondation de l’Etat, chargé des Relations avec les institutions, ainsi que l’Organisation pour la Réflexion, la Formation et l’Education à la Démocratie et au Développement (ORFED), ont lancé le « Projet d’appui à la construction d’un engagement commun des organisations de la société civile pour la refondation de l’Etat et une transition réussie au Mali », avec l’appui de la Minusma. Outre le district de Bamako, ce projet est aussi mis en œuvre dans les régions de Kidal, Tombouctou, Mopti, Ségou, Ménaka, Gao, Kayes Taoudéni, Koulikoro et Sikasso.
Un projet d’envergure nationale dont l’importance a été unanimement reconnue par les différentes organisations de la société civile en ceci qu’il vise à promouvoir et renforcer la gouvernance participative et le contrôle citoyen pour une transition politique réussie au Mali.
Selon eux, le succès du gouvernement de transition est aussi le succès du peuple malien. Ils ont ainsi fait part de leur détermination à travailler ensemble afin de construire cet engagement commun pour soutenir le gouvernement.
Il y avait de quoi, peut-on dire.
Plus de 98 millions de francs CFA étaient prévus pour sa mise en œuvre. Ce jour-là, il y avait 54 participants, dont 21 femmes représentant les différentes faitières et organisations de la société civile. Aujourd’hui, on ne les entend presque plus. C’est toute une autre clameur qui monte de la société civile et particulièrement de trois organisations animées par trois jeunes dames : la Forsat civile, le mouvement An Bi ko et l’association A mon Mali.
Trois jeunes dames qui se vantent en paroles pour valoriser ce qu’elles accomplissent en ayant un pied dans la politique et l’autre dans la société, sans que personne n’y trouve quelque chose à dire. Alors bien même que cette gymnastique facilite la pénétration de corps étrangers dans la société qui, supposant apporter un soulagement au sein de la société, la corrompt davantage de façon insidieuse.
Oui, il peut y avoir des associations politiques dans le cadre de la réflexion intellectuelle sur les enjeux politiques de la société. Mais lorsqu’une association se dit politique alors que les dirigeants se dépêtrent dans la fange du populisme en posant les fesses entre deux chaises éjectables, on ne peut que regretter les conséquences du populisme le plus médiocre qui ronge la société même si les effets ne se font pas voir tout de suite.
Forsat civile. Lancée le 9 juin 2022, la Fédération des organisations et regroupements qui soutiennent les actions de la Transition compte aujourd’hui 42 associations et 2 ONG à travers le Mali. Est-ce par un déficit intellectuel ou bien le moyen de mieux se positionner que les initiateurs de cette organisation ont collé les initiales sur l’énoncé phonétique de la force spéciale anti-terroriste, cette unité composée d’éléments sélectionnés sur le volet pour les interventions rapide ?« On a ajouté civile parce qu’on sait que la Forsat est une unité spéciale de l’armée. C’est pour dire que notre arme de guerre, c’est les plaidoyers que nous allons faire et les journées de sensibilisation. Surtout pour lutter contre la désinformation pour essayer de prendre le rôle d’intermédiation que la société civile doit avoir entre les hommes politiques et le pouvoir actuel qui est un pouvoir de transition, lequel n’a pas de coloration politique et faire l’intermédiation entre les anciens dignitaires et les actuels parce qu’on se dit que ceux-là ont été au pouvoir pendant plusieurs années », a tenté d’expliquer la présidente Touré Aicha Baba Keita dans une récente interview.
Fraîchement sortie de l’Institut universitaire de gestion avec un diplôme en comptabilité-finance, cette jeune dame ambitieuse a tout de suite voulu être sous les lumières. On la verra dans « Case Sanga », une émission de téléréalité diffusée sur Africable Télévision en 2006. Puis, elle se trouve assistante de l’émission « Samedi Loisirs, animée par Adama Koité. De fil en aiguille, elle eut des promotions que la carrière et le diplôme seuls ne peuvent expliquer. Elle anime sa propre émission puis se retrouve à l’Agence nationale d’investissement des collectivités territoriales (ANICT).
Lorsqu’elle crée la Forsat-civile au milieu de l’année 2022, elle eut l’idée d’organiser le téléthon au bénéfice des militaires blessés de guerre et des veuves et orphelins de la lutte contre le terrorisme. C’était en octobre 2022. L’argent récolté est faramineux. De généraux donateurs n’ont hésité à sortir le chéquier pour signer des chèques avec plusieurs zéros.
Son acolyte, le très controversé Marcellin Guenguéré, qui fut un député à l’Assemblée nationale, porte-parole de la milice Dan Ambassagou et chef de cabinet au ministère de la Réconciliation nationale, explique que la motivation première de la création de la Forsat-civile est « rassembler les forces autour des idéaux des plus hautes autorités de la transition afin de défendre et de protéger toutes les actions de la transition. Mais aussi les pérenniser après la transition. »
« An Bi Ko »
Une autre organisation travaillant dans le même domaine est le Mouvement An Bi Ko de la dame Batouly Niane. « Le Mouvement An Biko est un mouvement politique et citoyen, dont le but est de réunir toutes les forces vives du Mali sans distinction au sein d’un même mouvement afin de mener des activités de développement. »
Avec deux sites internet différents, on ne sait pas trop lequel est officiel, An Bi Ko clame que « Globalement le Mouvement Politique et Citoyen An biko a pour objet, de contribuer à l’avènement d’un Mali nouveau avec des Maliens nouveaux garantissant le bien-être des populations et véritablement engagés sur les chantiers de la culture de la paix, de l’entraide, de la réconciliation, de la stabilité, de la bonne gouvernance, du développement économique, social et culturel et de la justice pour tous. » Le mouvement se donne pour mission de renforcer le rôle des jeunes et des femmes dans le développement. Noble mission, pourrait-on être tenté de dire. Mais la manière fait douter vraiment.
Dame Batouly Niane, qui distribue de l’argent en public sans compter, pourra-t-elle vraiment ainsi renforcer le rôle des jeunes et des femmes dans le développement même de sa fameuse « Fondation d’aide financière Fatoumata Batouly Niane » ?
« Si l’origine de sa fortune reste un mystère, il faut reconnaître que de l’avis de plusieurs observateurs, l’exécution d’aucun marché public ne saurait générer autant de bénéfices pour en distribuer sans compter », écrit un confrère qui ajoute que « l’enrichissement soudain de cette nouvelle icône de la scène publique reste un mystère et elle n’est surtout pas obligée de s’en cacher, surtout que tout se passe sous les yeux des autorités. »
Dans le plus grand populisme, elle montre sa grande générosité dans le sport, la musique… tout ce qui rassemble la jeunesse pour en récolter les dividendes en termes de popularité. Lors du lancement de son mouvement, elle a tenu un discours truffé de citations et de fautes qui serait écrit par un Malien de France qu’on a vu aux côtés de Malamine Koné, fondateur de la marque Airness, qui l’a finalement chassé comme un malpropre.
« Quelque (sic) soit le niveau où nous nous situons, nous avons besoins (resic) de quelqu’un et quelqu’un a besoin de nous » écrit cet écrivain de la petite semaine qui fait dire à Mme Fatoumata Batouly Niane : « Notre volonté à travers la création de ce mouvement n’est autre que d’avoir un champ d’action assez large.
Si la politique doit se limiter à l’encaissement des voies et moyens, rien que pour assoir un Etat fort au détriment du bien-être de nos populations, alors nous ne sommes et ne serons jamais des politiciens. Car le philosophe Confucius disait que :’’Sous un bon gouvernement, la pauvreté est une honte ; sous un mauvais gouvernement, la richesse est aussi une honte’’. »
On aura le temps de juger sur pièce la maxime de Conficius. Déjà, la guéguerre parmi ses plus proches, commence à lever le voile sur l’idée derrière la tête de cette illustre inconnue dont la fortune semble tomber du ciel et « parraine plusieurs activités artistiques et multiplie les actions caritatives en direction des centres de santé communautaire, l’école des déficients auditifs et des œuvres philanthropiques pour des âmes charitables, triées au volet » fait remarquer un observateur.
« A mon Mali »
Cette association citoyenne créée dans le seul objectif de soutenir le Mali, se veut elle, « une force de sensibilisation et de veille citoyenne pour aider notre pays à sortir de la grave crise qu’il traverse », affirme sa fondatrice Hawa Konta, une animatrice de radio, qui est passée aujourd’hui à la télévision du côté de Bozola.
Cette dernière association, plus récente, essaie de faire la même chose que les premières avec peu de moyens. Mais selon plusieurs personnes qui fréquentent Dame Hawa Konta, avec la création de l’association ‘’A Mon Mali, Ne be N’faso fe, E dun’’ ‘’j’aime mon pays et toi ?’’, elle tente « à l’heure de la reconquête et de la refondation d’apporter sa pierre à l’édifice » et surtout « aider la transition pour sa réussite. »
Ce qui est intriguant c’est que ces dames « au grand cœur » : Touré Aicha Baba Keita (Forsta-civile) Fatoumata Niane Batouly (Mouvement An bi ko), Fifi Tounkara (Fondation Fifi Tounkara), Fatoumata Barka Mint Hamoudy (Africa Global services), Hawa Konta (’A Mon Mali, Ne be N’faso fe, E dun’’ ‘’j’aime mon pays et toi ?), restent encore des plus ordinaires aux yeux de la justice malienne qui pourtant se trouve engagée par les plus hautes autorités dans la lutte contre la corruption, le détournement de deniers publics, le népotisme, et surtout l’enrichissement illicite.
N’est-il pas logique, tout au moins, de regarder de près ce qui pourrait se cacher derrière leurs actions de largesse et magnanimité comme le soupçonne une bonne partie de l’opinion nationale ?
« La lutte contre la corruption n’aura de succès que lorsque toutes les couches de la société et les autorités politiques et judiciaires s’impliqueront à fond à savoir l’Etat à travers les institutions de la République par une volonté politique sans réserve ensuite les élus par les moyens d’information, d’éducation, de sensibilisation et de vulgarisation des méfaits de la corruption » fait constater un observateur, perplexe.
Source : 223infos.net avec Sud Hebdo